Y a-t-il quelqu’un pour prendre la relève?
par François G. Cellier
Assurer la relève d’administrateurs sortants n’est pas inscrit dans l’ADN d’une copropriété. Que ce soit ici ou ailleurs.
En règle générale, personne ne fait la queue pour poser sa candidature. La plupart des copropriétaires sont élus sans opposition et occupent ce poste bénévolement. Pire encore, les nouveaux venus sont généralement mal outillés pour assumer leur rôle adéquatement. Quant au temps consacré pour s’en acquitter, il se résume bien souvent à payer les factures et les fournisseurs de services.
«Rares sont les copropriétés qui ont une réflexion sur la relève d’un CA. Celles qui en ont une eprésentent l’exception à la règle», constate l’avocat émérite et secrétaire général du RGCQ, Yves Joli-Coeur. Ce juriste a développé une grande expertise en copro priété. Il est donc bien placé pour en parler.
Une tâche ingrate
La tâche d’administrer une copropriété est non seulement ingrate, elle exige aussi du temps et de l’énergie pour faire les choses correctement. Mais la plupart du temps, les gens n’ont pas cette disponibilité, à moins d’être à la retraite. Qui plus est, certains copropriétaires ne sont que de passage dans un immeuble. Après y avoir séjourné en moyenne cinq ans, et qu’un retour sur l’investissement est encaissable, ils déménagent leurs pénates.
Le souci de la relève administrative est un des plus grands absents en copropriété. Néanmoins, cette préoccupation existe dans une poignée d’immeubles, par exemple chez Autogestion Verrières IV, une copropriété située à L’Île-des-Sœurs qui s’élève en gratte-ciel et compte 120 portes. Il y règne un climat de gestion et d’administration modèle. Plusieurs copro pri étés québécoises devraient d’ailleurs s’en inspirer.
Administrateur pendant un quart de siècle
Diplômé en sciences administratives des HEC, ex-avocat et ex-secrétaire général de l’Université de Montréal, Michel Lespérance a administré cet immeuble pendant plus de 25 ans. Il a quitté ses fonctions l’année dernière. Pour lui, assurer une relève adéquate au conseil d’administration est une donnée cruciale. Pendant un quart de siècle, lorsqu’un des cinq administrateurs du CA souhaitait passer le flambeau, il s’employait à identifier les bons candidats pour se joindre au petit groupe déjà en place.
Les nouveaux venus sont tous passés par une phase transitoire axée sur l’apprentissage. Il s’agissait du test ultime et d’une mise à l’épreuve, en quelque sorte. « Pendant mes dix dernières années en tant qu’administrateur, lorsqu’il fallait remplacer un collègue, j’invitais un certain nombre de personnes à des rencontres pour sonder leurs compétences, et voir si elles souhaitaient se joindre à notre CA pour y travailler dans l’intérêt commun.
Et ce, même si ces personnes n’exprimaient pas toujours les mêmes points de vue que les nôtres », d’ajouter Michel Lespérance. La règle d’or misait sur des candidats qui faisaient consensus, non seulement auprès des administrateurs, mais surtout auprès des copropriétaires. À long terme, on peut dire que cette approche a créé un climat somme toute harmonieux. Néanmoins, comme dans la plupart des copropriétés au Québec, il fallait toujours convaincre les éventuels successeurs à venir siéger au CA.
La loi stipule que tout administrateur est élu pour une durée déterminée.
En principe, il devrait minimalement respecter cette durée. D’ailleurs, les déclarations de copropriété ont généralement prévu un délai avant qu’une démission puisse être applicable. Ce délai est de 30 jours la plupart du temps. En attendant que le syndicat lui trouve un successeur, il devra continuer d’assumer ses responsabilités en tant qu’administrateur.
Comment démissionner en temps de crise?
Advenant qu’une copropriété vive des moments difficiles, comme c’est actuellement le cas en raison du coronavirus, un administrateur ne pourrait pas tirer sa révérence en cours de mandat, à moins qu’il prenne les dispositions adéquates pour ne pas nuire au syndicat. Malgré tout, « Si un des administrateurs devait quitter le CA, les autres pourraient continuer d’administrer, nommer eux-mêmes un remplaçant ou attendre la nomination d’un nouvel administrateur par l’assemblée des copropriétaires. Ces trois scénarios sont habituellement prévus dans la déclaration de copropriété », nous dit l’avocat émérite en droit de la copropriété, Yves Papineau.
Mais s’il arrivait qu’un CA comprenant trois membres en perde un, la situation pourrait se corser lors d’un vote nécessaire à la prise d’une décision, advenant que les deux administrateurs restants divergent d’opinion. En pareille circonstance, il faudrait soit aller en arbitrage, soit procéder à l’élection hâtive d’un troisième administrateur au moyen d’une assemblée extraordinaire. Quant aux administrateurs qui attendent la prochaine assemblée annuelle pour démissionner, est-ce qu’ils sont condamnés à demeurer en poste à cause du coronavirus? La réponse à cette question n’est pas simple.
En somme, assurer la succession des administrateurs sortants d’une copropriété est difficile, voire utopique. D’ailleurs, cela explique la gestion erratique dont certains immeubles détenus en copropriété divise font l’objet. Plusieurs administrateurs de copropriété n’ont pas idée des responsabilités qui leur incombent, quoique ceux qui ont les compétences pour exercer cette fonction existent.
Fort heureusement d’ailleurs!
Afin d’assurer la stabilité du conseil d’administration et une continuité dans les actions prises par ses membres, le règlement de l’immeuble pourrait prévoir une clause de renouvellement partiel des administrateurs élus. Cela permettrait d’octroyer des mandats de deux ans, lesquels seraient assortis d’une élection annuelle. Prenons l’exemple d’un conseil d’administration qui compte cinq membres :
• Deux sont élus pendant les années paires pour un mandat de deux ans;
• Trois sont élus pendant les années impaires pour un mandat de deux ans.
On s’assure ainsi que d’une année à l’autre, des administrateurs qui siégeaient lors du mandat précédent sont toujours en poste. Cette formule est idéale pour préserver une certaine stabilité dans l’administration d’une copropriété. Mieux encore : elle se voudra son aide-mémoire au fil du temps. Passer subitement d’un conseil d’administration à l’autre peut être brutal, car un syndicat se prive d’une phase transitoire qui serait pourtant profitable.
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